Livre

L'homme en noir

L'homme en noir

Par Sylvie Ferrando

Thème : Roman policier / suspense

Date de publication : 03/03/2014

Imaginons deux mondes. L’un, le monde des adultes, semblait dangereux, violent et perverti. L’autre, le monde des enfants, était soi-disant pur, idéal, innocent et préservé. Quand ces deux mondes se sont mêlés, que s’est-il passé ? Quels jeux macabres se sont révélés ?
  • Roman (134x204)
  • 204 pages
  • ISBN : 9782332678867
17,00 €
7,99 €
Papier
Numérique

Sylvie Ferrando

Biographie

Sylvie Ferrando

Sylvie Ferrando, qui a vécu à Paris, à Londres et à Washington, est responsable de formation en lettres. Issue du monde de l'édition, elle est docteure en linguistique. Elle écrit des œuvres de fiction (nouvelles, romans, théâtre) depuis une quinzaine d'années. Illustration de couverture : copyright Clémence Ferrando

 

Avis des lecteurs

Plus qu’un roman policier, c’est un roman noir ! - 07/05/2014

Plus qu’un roman policier, c’est un roman noir, plus qu’un roman noir, c’est un roman sur la condition humaine qui se dessine en exergue dans la citation de Gaston Bachelard : « Les êtres cachés ou fuyants oublient de fuir lorsqu’on les appelle par leur vrai nom. », celle de l’abandon, celle de l’identité. L’histoire se déroule entre deux mondes, Le monde des adultes et Le monde des enfants. Une architecture subtile entre ces deux mondes découvre les personnages au titre des chapitres qui portent leurs prénoms – ils sont en nombre les personnages, dans les deux mondes, et plutôt colorés. Ce choix de style offre une lisibilité fluide et ouvre les portes d’un labyrinthe qui mène le lecteur dans les abîmes. Le « Tu ne m’échapperas pas » qui clôt le premier chapitre crée un choc, choc qui se réitère en crescendo à la dernière phrase de chacun des chapitres. Ainsi nous sommes pris dans le rythme de l’écriture, dans le suspense renouvelé et dans le style de l’écriture choisi selon les mondes traversés, particulièrement magnifique quand l’auteur se place dans la vie de l’enfant lui-même. L’écrivain semble faire appel à nous en tant que lecteurs, mais aussi à notre conscience d’adulte et à notre mémoire de l’enfant que nous étions et qui revient vers nous d’une façon particulièrement saisissante dans Le monde des enfants lorsque ceux-ci parlent entre eux et parlent d’eux-mêmes. Déjà par le titre du roman, L’homme en noir, l’auteur fait appel aux souvenirs de nos peurs enfantines. Cet homme-là n’a-t-il pas hanté nos nuits, comme l’enfant de La Recherche, lorsque nous attendions le baiser du soir. Ne l’avons-nous pas rencontré, menaçant sur le chemin de l’école ? N’avait-il pas plusieurs visages ? N’apparaissait-il pas lorsque nous ne l’attendions pas, menaçant au détour d’un chemin, terrifiant derrière un arbre dans le bois ? Et où se cachait-il lorsqu’il disparaissait pendant quelque temps alors que nous espérions de toutes nos forces ne plus jamais le revoir ? Nos peurs enfantines sont mises en alerte et nous cherchons avec Aurélien, ancien étudiant, devenu détective privé - le chapitre qui le concerne est tout-à-fait passionnant, ni Dupin, ni Sherlock, mais un Aurélien qui rêve de faire au mieux son métier, le seul métier qui l’intéresse, lui l’homme un peu arrogant, vêtu de noir, coiffé d’un chapeau mou, mais qui mène l’enquête avec méthode, perspicacité et volonté de découvrir la vérité. Dès l’incipit, nous sommes avertis : « Ce jour-là, ce jour précis qui allait marquer sa vie à jamais, Elsa enfila sa robe rouge et ses sandales noires. » Malgré tous les signes prémonitoires, cette jeune diplômée de Sciences politiques, en stage de fin d’études au Quai d’Orsay, se rend à une réunion mensuelle à Rueil-Malmaison dans la résidence d’Hubert Saint Sens, secrétaire particulier de Pierre Dambre, directeur de Cabinet du Ministre. Nous apprenons que les craintes d’Elsa ne sont pas imaginaires, elle qui subit maintes avances de Pierre Dambre depuis plusieurs semaines ; la situation est décrite avec tension et nous appréhendons cette journée autant qu’elle. Sera-t-elle le Petit Chaperon Rouge ? Lors de ce même jour, est dépeinte une description du milieu politique dans lequel évoluent les adultes. Hugo, fonctionnaire au Quai d’Orsay. parle d’un « monde artificiel », d’une « vie artificielle », Elsa lui oppose « un monde typifié » qui, s’il n’est pas adapté, peut aussi bien être créé. Pour illustrer son propos, elle évoque le peintre Miro et le tableau fertile : « Un tableau doit être fertile. Il doit donner naissance à un monde. » Idéaliste Elsa ? C’est en fin de journée dans une bibliothèque, que les appréhensions du matin seront vérifiées. Elsa sera violée et évitera la mort de justesse, ce qui dénote un certain caractère. Et pourtant nous ne connaissons encore rien d’elle. De Pierre Dambre, nous apprendrons plus tard son « plaisir de regarder les femmes, de les détailler jusqu’au moindre détail, au moindre recoin. Voir le désir s’inscrire au fond de leurs iris, leur corps se tendre vers lui, imperceptiblement, et lui jouer de ce désir, forcer ce désir, parfois. (…) Pierre Dambre savait exactement quand il était temps de passer à l’attaque, (…) pour atteindre son « apothéose ». Dangereux personnage placé aux hautes instances d’un Etat, n’est-ce pas terrifiant ? Et pourquoi exerce-t-il un tel pouvoir sur les femmes ? Aurélien par ailleurs, singulièrement résolu, révèle méthodiquement l’avancée de l’enquête et le tragique de ses découvertes, puisent-elles être les plus horribles. Nous apprenons le secret d’Elsa, un enfant qu’elle a eu très jeune qu’elle a confié à une institution à Angers et la découverte de cette institution, La Pommeraye, lieu de tous les méfaits et de tous les crimes. Dans Le monde des enfants, ils sont six enfants en attente d’adoption dans le temps de leur innocence. Livrés à plus fort qu’eux, il suffit de peu pour basculer dans des expériences violentes, expériences en laboratoire sur des animaux et sur eux-mêmes. Subiront-ils le même sort que leurs aînés assassinés vingt ans auparavant ? Enfants victimes et enfants bourreaux et surtout enfants victimes des adultes bourreaux. Dans Le monde des enfants, l’écriture est inventive, vive, poétique, vaste comme l’enfance. Il semble qu’il y ait alors entrelacement entre les mondes, par la parole d’un enfant devenu adulte, parole qui résonne au fil d’un récitatif, comme une parabole. Nous somme happés par le style évocateur d’un monde que nous avons peut-être connu nous-mêmes, évocateur du monde de l’abandon, du monde où la protection n’existe pas, où l’enfant est à la merci des prédateurs : « En ce temps-là, deux mondes s’affrontaient : le monde des adultes et le monde des enfants. J’étais à la jonction des deux, j’assurais la liaison. Le monde des adultes semblait pervers, le monde des enfants semblait idyllique. Mais était-ce vraiment le cas ? La perversité existait aussi chez les enfants. J’en étais la preuve vivante, ou du moins l’un des instruments ayant appartenu à l’homme en noir. » ( …) L’homme en noir fait sa funeste apparition. « Pourtant, nous étions si gais, nous, les enfants. Nous habitions un havre de paix, tous en groupe, éloignés du monde extérieur par les hauts murs de l’enceinte. On était placés à l’intérieur pour être protégés, c’était ce qu’on m’avait dit quand j’étais entré. J’avais été le plus jeune pendant quelques mois, puis d’autres enfants m’avaient suivi. On était toujours admis pour les mêmes raisons, mais on ne le savait pas. On s’inventait des familles, à l’extérieur, des adultes qui allaient venir nous chercher un jour, pour que l’on vive comme les autres enfants, ceux de l’extérieur, dans une vraie maison. (…) « Pendant bien longtemps, j’ai pensé que la vie était ainsi faite. Que ma vie, que notre vie, avait appartenu à l’homme en noir. Qu’il avait eu des droits sur nous. Il n’y a pas si longtemps que j’ai abandonné cette idée. Ma transformation a pris du temps. Mais c’est bien tard, tant de temps est passé depuis lors. » S’opère un véritable déplacement du récit, on en oublierait les adultes tant le monde des enfants est présent, vivant, innocent, multiple. Mais Elsa demeure dans notre esprit, victime d’un viol et mère d’un enfant qu’elle abandonné. Notre intérêt pour elle se ressaisit, que devient-elle après le crime dans la bibliothèque ? Et qu’advient-il de son enfant, quel sort lui est réservé dans ce monde où les enfants ont une imagination aussi immense que leur souffrance, ce monde où l’homme en noir sévit depuis vingt cinq ans ? Ne dévoilons pas plus, d’autres lecteurs y liront d’autres événements, autres personnages, autres lieux, autres villes, Washington…, émotions, sensations, couleurs nouvelles. Un jour l’homme en noir sera vaincu, mais la question demeure, il y en a tant d’autres, et qu’advient-il des enfants victimes des bourreaux dont on sait, non pas uniquement par les contes de Grimm ou de Perrault, que ceux-ci veillent, prêts à frapper, telle que nous le montre la réalité quotidienne. Témoignage de fiction, le roman L’homme en noir vibre comme un appel de l’écrivain Sylvie Ferrando pour un monde différent, monde où les enfants ne seront plus abandonnés, maltraités, assassinés, victimes innocentes du monde, où l’homme en noir ne pourra plus faire de mal, où les enfants seront protégés à jamais. Sigrid L. Crohem – auteur - Le 24 Avril 2014.