Posté par
Marie
Rencontre avec…Michel Philippo
Michel PHILIPPO, La tentation du pylône est votre second ouvrage chez Edilivre. Pouvez-vous nous exposer les thèmes abordés ? Il faut d’abord préciser qu’il s’agit là d’un roman, c’est à dire une œuvre de fiction, ancrée, bien entendu, dans une réalité, la plus crédible possible.
Mais je dirais que même si cette réalité n’est pas sans rapport avec la situation politique que nous vivons, même si la première partie du roman s’attache à dénoncer les attaques menées à l’encontre des principes de la démocratie, et même si la seconde partie du roman fait un retour dramatique sur l’Histoire de l’Occupation, je n’ai pas écrit un livre politique ou historique. Encore moins un pamphlet.
Je me suis intéressé d’abord au comportement humain. À travers le personnage d’Adrien, qui constitue le fil rouge de ce roman, c’est avant tout, la question de la liberté individuelle qui nous est posée. J’entends par-là, la manière dont nous sommes amenés à exercer cette liberté, par les choix qui s’offrent à nous dans chacun des actes de nos vies.
Dans La tentation du pylône, j’ai voulu montrer comment les contraintes externes (situation politique, montée du fascisme) et les contraintes internes (maladie) pouvaient influer sur les décisions du personnage.
Les circonstances extrêmes où il se trouve plongé vont alors exacerber la tension narrative nécessaire à la progression romanesque et à l’évolution du personnage, jusqu’à son ultime décision.
L’enjeu est alors pour lui de savoir quelle part inaliénable de sa liberté il est en mesure de préserver et jusqu’où il lui faudra être capable d’aller pour garder entière son humanité.
Les autres personnages du roman procèdent tous du même schéma, mais apportent à cette thématique de la liberté des réponses différentes et moins radicales, en acceptant des compromis, fussent-ils parfois abjects.
Pourquoi avoir choisi d’incarner le personnage principal de votre ouvrage ?
Je crois comprendre que vous faites allusion à la quatrième de couverture où il est écrit que « le personnage central n’est pas sans rappeler l’auteur ». Comme je l’ai précisé au début de notre entretien, il s’agit bien d’un roman et il serait absurde de confondre ici le « je » du narrateur, c’est à dire Adrien, avec l’auteur. Sinon, nous aurions affaire à une simple autobiographie, ce qui n’est absolument pas le cas.
En adressant un clin d’œil fraternel à Rimbaud et à la première des lettres dites du Voyant, celle qu’il écrit à son ancien professeur, George Izambard, je dirais que « je est un autre ».
C’est presque une banalité, mais il faut bien comprendre que c’est là, très exactement, que se situe toute la complexité des rapports d’un auteur à ses personnages et à l’œuvre qu’il a produite.
Dans La tentation du pylône, il existe bien sûr des passerelles, des souterrains qui lient l’auteur à ses personnages. Une œuvre ne naît pas du néant. Elle puise son matériau à différentes sources qui à l’évidence ont toutes l’auteur pour dénominateur commun. Mais les personnages finissent par exister seuls, en dehors de l’auteur dont la biographie présente finalement assez peu d’intérêt pour la compréhension de l’œuvre.
Ce qui est beaucoup plus éclairant, ce sont les rapports qui s’instaurent à l’intérieur de l’œuvre ; que ce soit entre les personnages, dans la structure même de l’œuvre ou dans le rapport de l’œuvre au monde extérieur.
Et donc, pour répondre d’une phrase à votre question initiale, le professeur Adrien Mauduit n’est pas Michel PHILIPPO, mais je suis très flatté de le connaître …..
Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs le choix du titre de votre livre : La tentation du pylône ? Le titre d’un livre n’est jamais innocent. C’est une manière de vitrine qui invite, ou non à pénétrer dans l’échoppe.
Dans notre culture judéo-chrétienne, le mot tentation ouvre un champ sémantique très large où l’on va trouver pêle-mêle les notions de péché et de transgression (la tentation du Christ, par exemple), l’idée que l’on va peut-être y céder (on retrouve là, la notion de liberté) et bien entendu l’idée d’un plaisir possible et convoité.
Quant au terme pylône, il renvoie bien sûr à cette image qui figure sur la couverture du livre mais aussi, étymologiquement, au mot grec signifiant porche / portail.
Le titre reste donc volontairement ambigu et en appelle à l’imaginaire du lecteur.
Avant de vous essayer à la plume, la guitare était votre première passion. Y a t-il eu un évènement particulier qui vous a poussé à écrire ? Vous êtes bien renseignée, mais je n’opposerais pas les deux. J’ai toujours écrit et je ne renie en rien l’expérience d’Auteur Compositeur Interprète que j’ai très modestement menée dans les années 70 / 80. J’ai beaucoup appris. J’ai fait des rencontres formidables. Et même s’il m’arrive parfois encore d’accoucher d’une chanson, je considère aujourd’hui cette période comme une parenthèse. Non pas que je pense comme Gainsbourg que la chanson est un art mineur. Pas du tout. Il est particulièrement difficile de raconter tout un univers ou toute une histoire en trois ou quatre minutes. Cela demande énormément de talent, de concision et certains le font tellement bien ! Je suis, quant à moi passé à autre chose où la confrontation avec le public est moins directe.
La seconde partie de votre question touche au pourquoi de l’écriture. Ce n’est évidemment pas par hasard qu’Adrien Mauduit est aussi écrivain. Il me semble cependant que l’on n’écrit pas pour les mêmes raisons tout au long des âges de la vie.
Le nombrilisme littéraire adolescent, parfois très poignant et talentueux, peut n’être qu’un feu de paille et s’éteindre avec l’adulte. Il n’en reste alors que les pépites qui, aussi splendides soient-elles, ne constituent pas une œuvre.
Il peut aussi évoluer et ouvrir d’autres voies pour conduire à une littérature de l’exploration. Aller vers l’autre, voyager dans l’espace et le temps, faire exploser les codes. Proposer une lecture du monde, de la société.
L’écriture n’est plus alors tournée vers soi, mais vers une découverte de l’altérité. C’est d’ailleurs l’ambition de toute une génération d’écrivains voyageurs.
Je m’inscris aujourd’hui plutôt dans cette démarche.
Bientôt un troisième ouvrage dans les rayons d’Edilivre ? Le roman est écrit. Il serait prématuré d’en révéler trop et trop tôt. Disons pour faire court, que le roman nous plonge dans les destins parallèles de deux enfants, dans la France des années 60, et entraîne le lecteur, du granite de l’Armorique aux caves crayeuses de l’Auxerrois où leurs itinéraires solitaires finiront par se mêler.
Leurs tribulations, ponctuées de rencontres cocasses ou dramatiques expriment avec pudeur et retenue la part enfouie de nos vies adultes, inéluctablement modelées par l’enfance.
Quant au titre, je vous en laisse la surprise.