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Flora
Rencontre avec Merya Gazelle, auteure de «Aïda, fille du Méchouar»
Présentez-nous votre ouvrage en quelques mots ?
Mon entourage me taquine en qualifiant l’ouvrage d’objet littéraire non identifié. Les scènes de mon livre se déroulent à la fin du XVIe siècle, dans une ville ancienne de l’actuelle Algérie nommée Tlemcen et qui fut durant plusieurs siècles, la capitale du Maghreb Central. Les personnages sont imaginaires mais les faits historiques sont réels. L’héroïne, Aïda, retrace, à travers un échange avec son fiancé, Boumediene, les périodes clés de l’histoire de Tlemcen. Surgissent des questionnements liés aux péripéties de l’histoire humaine ainsi que ceux en rapport avec la condition féminine. Aïda évoque l’existence d’objets qui ont marqué l’histoire de la ville et dont nous sommes, à ce jour, sans nouvelle : le Coran de Othman, le troisième Calife de l’Islam ; la fameuse horloge, appelée la Mengana ; l’arbre argenté ; etc. Elle nous invite à découvrir la cité ancienne avec des monuments à jamais disparus : le « Palais ancien » ; les petits palais du Méchouar entourés de leurs orangeraies ; les Médrassas (écoles) dont la plus célèbre, la Tachfinya ; le quartier franc (la Qissaria) avec son couvent des frères prêcheurs ; le foundouk dont il ne subsiste, en 2014, qu’une toute petite partie, etc. Il faut savoir qu’un grand nombre de ces lieux de mémoire connut la décadence durant l’occupation turque et finit par être détruit, entre 1843 et 1880, par l’administration coloniale française, lors du réaménagement et de la restructuration de la ville, selon un modèle européen. C’est ainsi que la pierre tombale, l’épitaphe de Boabdil, dernier roi de Grenade, dont Boumediene est l’arrière-petit- fils, fut enlevée de la nécropole royale de Sidi Brahim, en 1847. L’ensemble de la nécropole royale a disparu sous les engins. L’épitaphe au parcours tumultueux a été montrée aux visiteurs de l’exposition universelle de Paris en 1877 et a mystérieusement disparu quelques années plus tard.
Pourquoi avoir écrit ce livre ?
Je crois qu’écrire un livre obéit à un processus de maturation. Il y a des faits qui nous parlent au quotidien, qui nous interpellent et qui s’accumulent durant des années, jusqu’au jour où l’on décide de coucher sur papier le premier jet d’une histoire et on tente d’exprimer ce qui consciemment ou inconsciemment nous a longtemps remués… Pour ma part, en écrivant « Aïda, fille du Méchouar », je souhaitais donner aux nouvelles générations des points de repère clés de l’histoire du Maghreb Central et montrer la diversité et la richesse des influences culturelles sur cette partie de la rive sud de la Méditerranée. Au-delà de l’intérêt architectural et culturel que recèlent les monuments disparus, c’est l’aspect multiconfessionnel de la ville de Tlemcen dans sa phase historique la plus prestigieuse que j’ai voulu mettre en exergue. Peut être, y a-t-il là, pour le lecteur, matière à réflexion. Enfin, à travers la propre introspection de l’héroïne, en quête de repères identitaires, c’est la reconnaissance assumée du brassage des populations de cultures et de confessions différentes au cœur de la Méditerranée, à la croisée des chemins entre Europe et Afrique, qui apparaît tel un garde-fou, un rempart contre les approches simplistes des idéologues, les complexes généalogiques et les tentations obscurantistes ou xénophobes.
A quel lecteur s’adresse votre ouvrage ?
L’ouvrage s’adresse à toutes les lectrices et à tous les lecteurs qui ont des liens affectifs avec Tlemcen, et plus généralement à tous ceux intéressés par l’histoire de l’Algérie.
Quelles sont les principales qualités de votre livre ?
Je crois que le livre est écrit simplement et qu’il est assez riche en éléments d’information sur l’histoire, l’architecture de la ville mais également sur le patrimoine immatériel de Tlemcen et de l’Algérie. Je pense, en outre, que les quelques repères philosophiques qui jalonnent le parcours de mon héroïne, Aïda, gardent aujourd’hui encore toute leur pertinence.
Quel message avez-vous voulu transmettre à travers votre ouvrage ?
J’ai voulu, à travers cet ouvrage, transmettre avant tout un message de paix et de tolérance, et inviter chacune et chacun à s’engager dans la découverte de sa propre histoire. Il faut être capable de digérer une histoire millénaire en recensant les différents apports constitutifs de notre personnalité d’aujourd’hui. Cet effort nous permet de mieux nous comprendre nous même et de mieux comprendre l’autre, l’accepter dans sa différence. Savoir d’où l’on vient est fondamental pour anticiper, dans la mesure du possible, nos trajectoires futures. Enfin, il me semblait important de susciter une réflexion autour du « vivre- ensemble ». Pourquoi est-il possible à certaines époques à différentes communautés religieuses de cohabiter et pourquoi cela ne l’est-il plus à d’autres périodes ?
Où puisez-vous votre inspiration ?
Je puise l’inspiration dans l’actualité tourmentée et tumultueuse faite de crises et de guerres ainsi que dans les thématiques liées à la mondialisation, au développement durable, à l’exception culturelle…
Quels sont vos projets d’écriture pour l’avenir ?
J’aspire à déterrer des aspects méconnus de l’histoire méditerranéenne, pour peu que je puisse accéder à certains fonds documentaires.
Un dernier mot pour les lecteurs ?
Un grand merci à tous les lecteurs pour leurs encouragements et un grand merci aux membres du comité de lecture d’Edilivre qui ont été mes tout premiers lecteurs et qui m’ont permis d’aller de l’avant.