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Flora
Rencontre avec Dominique FARIGOUX, auteur de « LES CONTES DU CREPUSCULE»
Présentez-nous votre ouvrage
Ce recueil se traduit par quinze contes ou nouvelles qui font référence tout autant à des histoires vécues qu’à l’imaginaire. Chaque histoire fait appel à un titre poétique : Le rôdeur, l’Olphie bleue, Secret d’alcôve (conte érotique), La Vouivre, Un après-midi de faune, Mystère d’un repenti, La complainte, Le chemin noir, qui révèle un itinéraire creusois peuplé de légendes strictement inventées par l’auteur. Ce guide touristique passe par des lieux de la Creuse qui me sont chers et qui phonétiquement sont parlants : Bonlieu, Roche, Chantemille, Les Pierres Jaumâtres, la Pierre d’Ep’nel et puis le site minier Le chemin noir dont j’ai anticipé sur son évolution dans le temps pour devenir un jour, plus tard peut-être Carbopolis, la Cité des Arts et du Charbon, non sans une longue évocation du passé minier et un hommage aux dernières familles de mineurs.
De nombreux artistes locaux ou de réputation nationale, voire internationale sont cités ou apparaissent de façon fictive dans ce recueil rédigé seulement en quatre mois. De Jean Estaque au sculpteur Christian Lapie en passant par le performeur Pierre Shasmoukine, je ne manque pas de saluer au passage le conteur Jean-Claude Bray, René Bourdet que je considère un peu comme « le Jean-Roger Caussimon de la Creuse » et bien d’autres.
Mais ma dialectique et mon éclectisme se manifestent aussi au-delà des frontières. Ma forêt, inspirée d’une chanson de Bernard Lavilliers entraîne le lecteur vers la forêt amazonienne, ses légendes et maléfices dont celle du dauphin rose qui illustre la couverture de l’ouvrage.
L’Ogre de Gorodka est une autre aventure vécue celle-là, qui raconte ma rencontre avec Pierre Shasmoukine, fondateur d’un village russe sur les hauteurs de Sarlat-La-Canéda. Etrange histoire d’amitié entre lui et moi, sur ce site devenu au fil du temps, lieu de création et de résidence contemporaine qui a accueilli tout aussi bien la danseuse Caroline Carlson, que Juliette et son parolier, l’humoriste Gustave Parking ou La Mano Négra.
Le dénominateur commun à toutes ces histoires, c’est bien sûr l’art qui rejaillit dans chacun de mes textes comme une peinture atmosphérique des lieux et du temps qui nous file entre des doigts, ces « mains d’or » qui balisent l’espace d’une œuvre d’art en guise d’empreinte.
Pourquoi avoir écrit ce livre ?
Tout d’abord, je répète qu’un ouvrage demeure une trace, une empreinte. Cet ouvrage se nourrit d’expériences, de vécu même au sens érotique du terme et puis c’était aussi une façon pour moi d’imprimer dans la matière (en l’occurrence le papier), d’évoquer et de faire vivre des projets artistiques qui n’émergeront sans doute jamais sur le terrain. Je pense à Carbopolis qui s’inscrit dans un conte d’anticipation sur l’univers d’une ancienne mine de charbon, Lavaveix-les-Mines, cité minière, bourgade nouvelle construite à l’image de ces villes du Far-West au siècle dernier. Je plante et j’implante des décors à vocation artistique, culturelle et économique en différents lieux. Si on ne les voit pas, on les imagine en tous cas !
À quel lecteur s’adresse votre ouvrage ?
A tout lecteur et à tout public, puisqu’outre la situation et les lieux méconnus, il fait référence à de nombreuses et célèbres influences d’auteurs cités : Rutebeuf, Mallarmé, George Sand, Alain Fournier, Maurice Leblanc, pour remonter vers des auteurs du siècle dernier tels Emile Zola, Blaise Cendrars et puis vers des artistes contemporains : Pierre Shasmoukine, Bernard Lavilliers.
J’irais même jusqu’à dire que ce livre s’adresse également à des personnes illettrées qui peuvent en tous cas l’entendre lors de lectures à voix haute de ces contes ou transmises par le chant : La complainte (texte à mettre en musique). Oui, je pense à ces personnes que je n’oublie pas et auxquelles je fais référence dans un chapitre en évoquant leurs codes personnels, totalement étrangers à notre mode de communication écrite, mais assimilables peut-être quelque part aux tambours codés d’Afrique ou aux signes et symboles de la route des Gitans, utopie ?
J’ajouterais que certains contes sont des supports visuels pouvant aboutir à une interactivité digne d’un spectacle et offrant par conséquent des possibilités de mise en scène.
Quel message avez-vous voulu transmettre à travers ce livre ?
Ce recueil est très hétéroclite, je le sais, mais c’est tout à fait volontaire de ma part, dans la mesure où il a un sens, une évolution logique entre les chapitres. C’est un brassage de cultures, une sorte de melting pot littéraire.
En termes de message, je dirais que l’idée générale correspond à un voyage intérieur, ce qui signifie que même du plus profond de ta campagne, chaque lieu clandestin, méconnu, perdu entre forêts et rivières peut t’imprégner d’atmosphères telles que tu peux t’imaginer à tout moment transposé au cœur de l’Amazonie ou bien dans un quelconque autre pays. Il en est de même avec de nombreuses rencontres féminines. Ce sont les atmosphères qui nous font voyager. « Tout est affaire de décor » disait Louis Aragon et c’est un peu de notre âme qui s’envole « Si tu sais rencontrer, observer et connaître » comme le traduisait Rudyard Kipling.
Où puisez-vous votre inspiration ?
A travers un certain vécu, de grandes joies et des désillusions que magnifie l’art, des choses dont il faut tirer le meilleur parti. Mais il n’y aurait pas de désillusion si n’existait pas l’illusion qui fait la magie des endroits refuge, des heures clandestines lorsque bien souvent le soir au crépuscule, l’araignée de nos têtes vient réclamer son dû.
Je me suis beaucoup livré de façon personnelle dans cette rédaction, au risque de donner une version presqu’autobiographique de mes itinéraires personnels et professionnels.
Quels sont vos projets d’écriture pour l’avenir ?
Différentes choses sont sur le métier. Mon prochain ouvrage pourrait être un roman qui s’inspirerait de mon premier récit intitulé : Le moulin de Piot, une belle histoire (publié chez Edilivre en 2014). Partant du contexte power flower des années 1970, j’utiliserais le parcours d’une jeune fille en quête d’une cité cosmopolite fondée sur l’architecture et les vertus de l’art, la liberté et le vent de folie d’une époque qui déclineront en l’espace de quarante ans pour retomber dans le climat de guerre et d’incertitude que l’on connaît actuellement. Demeure l’espoir, c’est pourquoi cet ouvrage s’intitulera peut-être un jour : Always Sun, du même titre que la chanson des Stranglers en référence à la musique rock, formidable vecteur d’expression et d’émancipation réprouvé.
Un dernier mot pour les lecteurs ?
Un brin d’érotisme, l’amour de la nature et du beau, l’aventure, de la magie, de l’humour, des maléfices, un mélange de passé, de présent et de futur qui se confondent comme dans une boule de cristal, le sens de l’observation et surtout la suggestion qui éloigne toute forme de jugement, sont autant d’ingrédients qui font de ce livre Les contes du crépuscule, un rêve intégré.
Bonne lecture à toutes et à tous.
Dominique Farigoux