Posté par
Flora
Rencontre avec Claire Voy, auteure de « Une foi dans l’abîme »
Présentez-nous « Une foi dans l’abîme » en quelques mots ?
Une foi dans l’abîme est une nouvelle qui aborde le thème du conflit de valeurs culturelles et morales, par le prisme d’un personnage caractéristique de notre société capitaliste à bout de souffle. Il s’agit d’un huis clos fiévreux sur fond de religiosité, une parabole moderne décrite en temps réel et essentiellement sous l’angle du monologue intérieur, simple ou quasi-polyphonique.
Pourquoi avoir écrit ce livre ?
La genèse de mon ouvrage est étroitement liée à mon évolution personnelle, qui m’a fait troquer, progressivement, difficilement au début, le rythme effréné de la vie parisienne contre une certaine quiétude provinciale. L’idée du livre provient surtout de ma découverte du patrimoine religieux et historique français, tantôt édifiante, tantôt troublante. Mais parfois également cocasse. Ce qui explique le ton unique d’Une foi dans l’abîme, où s’entremêlent le profane et le sacré, l’ombre et la lumière, le minimalisme brut et les réminiscences académiques. De sorte que derrière la dualité des sentiments du personnage principal, sourd peut-être aussi celle de l’auteure…
A quel lecteur s’adresse votre ouvrage ?
Au-delà de sa trame narrative singulière et de son cadre religieux, Une foi dans l’abîme explore des genres et registres stylistiques très divers : conte, farce, satire, comédie sentimentale, drame psychologique, suspens, fantastique, histoire… Par conséquent, le livre s’adresse autant au lecteur éclectique, qu’à celui plus intéressé par tel aspect spécifique de l’intrigue. Parallèlement à sa dimension cathartique et introspective, l’œuvre rend un hommage ludique à deux de mes passions : la littérature française et la musique classique. Après avoir repéré les clins d’œil explicites, le lecteur pourra s’amuser à rechercher les références indirectes.
Quel message avez-vous voulu transmettre à travers votre ouvrage ?
Une foi dans l’abîme possède deux niveaux de lecture. Après l’avoir envisagé au premier degré comme un texte humoristique, en se laissant porter par les aspects factuels, la seconde lecture nous incline à une interprétation plus grave et symbolique. Michel (le héros) est une figure allégorique de nations sous perfusion face à une crise économique et morale. Comme beaucoup de citadins, il est obsédé par le temps qui passe, et perclus de routine, sans pouvoir se procurer d’échappatoire consolante ni de perspectives plus élevées. Alors il évite de trop réfléchir, et se contente de vivre à cent à l’heure et au jour le jour. Sa croyance rime avec concurrence et sa liturgie consiste à appliquer les règles ultra-libérales. Bien qu’il se persuade de sa bonne fortune et que son orgueil méprise le modèle antagoniste (les traditions et la vie rurale), une voix intime lui rappelle pourtant qu’il étouffe dans sa vie et que tout décline en lui, le fuit : la foi en Dieu et dans l’enfant – et donc en l’avenir –, le respect des anciens et des femmes, la socialité, l’amitié, et ses cheveux mêmes. Cette partie lucide de son esprit a encore conscience qu’il participe à un processus délétère qui ne pourra se conclure que par une tragédie, individuelle ou collective. Elle devrait donc l’amener, si ce n’est à changer radicalement de mode de vie, du moins à rééquilibrer salutairement ses priorités. La question est de savoir s’il écoutera finalement cet avertissement…
Quels sont les thèmes qui vous inspirent le plus ?
Mon objet d’étude favori reste l’être humain. Avec une pointe assumée de cynisme. J’aime découvrir en lui des aspérités inattendues et ne me lasse pas de tourner en dérision ses incohérences aussi cruelles qu’endémiques. Mes préférences empirique et littéraires vont donc naturellement aux contenus historiques, religieux, culturels, philosophiques, psychologiques, socio-économiques. Les méthodes et principes artistiques sont aussi pour moi un vecteur d’idées et d’émotions qui nourrit considérablement mon inspiration.
Quels sont vos auteurs de référence ?
Ils sont trop nombreux pour en dresser une liste exhaustive. Et plus qu’avec des auteurs de référence, j’ai surtout des affinités avec certaines œuvres qui m’ont durablement marquée : l’Enfer de Dante, les tragédies shakespeariennes, les Liaisons dangereuses de Laclos, le Décaméron de Boccace, le Voyage au bout de la nuit de Céline, Belle du seigneur d’Albert Cohen, la bande dessinée Rork d’Andreas. Les supports extra-littéraires m’influencent tout autant : les films de Murnau, de Dreyer et de Bergman, en musique les constructions iconoclastes de Prokofiev ou la profusion orchestrale de Sibelius et Mahler, les peintres et sculpteurs du Quattrocento, de la Renaissance bourguignonne, les clairs-obscurs du Caravage, et tant d’autres.
Quels sont vos projets d’écriture pour l’avenir ?
Peut-être la suite des aventures de Michel. Dans le cadre d’un roman cette fois-ci. Cela tombe bien, j’ai des milliers de pages qui attendent et qui seraient susceptibles de l’intéresser, le Michel…
Un dernier mot pour les lecteurs ?
Bonne lecture de mon livre (et des autres ouvrages publiés par Edilivre, cela va de soi !) Gardez les yeux et le cœur encore un peu ouverts, on n’est jamais à l’abri d’une agréable surprise !
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