Les premières phrases de romans célèbres

Ces premières phrases, également appelées des incipit, sont essentielles. Elles servent à capter l’attention du lecteur et lui donnent envie de continuer sa lecture… ou pas. On parle souvent de la phobie de la page blanche mais il peut être encore plus difficile de trouver comment commencer son roman. Vous trouverez dans cet article ceux qui ont relevé le défi à merveille !

Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre.
Livre le plus lu au monde, La Bible commence ainsi. Elle expose une vérité universelle que tout le monde doit connaître : c’est Dieu qui a fait ce monde tel qu’il est, et le reste du livre religieux nous décrit ses desseins pour le monde qu’il a créé. La question se pose cependant : qui peut parler au nom de Dieu ? Beaucoup de spécialistes se sont interrogés sur ce point et il semble qu’il s’agissait d’une manière tout à fait ordinaire de narrer l’histoire religieuse.

Me voici donc seul sur la terre, n’ayant plus de frère, de prochain, d’ami, de société que moi-même. 
Ouvrage inachevé de Jean-Jacques Rousseau, Les Rêveries du promeneur solitaire débute sur cette phrase qui nous décrit l’exil volontaire de l’auteur lui-même à la fin de sa vie. Dans cet incipit, il se présente comme un vieil homme qui n’a plus aucun espoir ni aucune illusion, et qui trouve dans l’écriture de ce livre le chemin vers une thérapie personnelle.

Longtemps, je me suis couché de bonne heure.
Marcel Proust est un spécialiste des phrases très longues, celles-ci faisant parfois une page entière. Et pourtant la première phrase de son roman Du côté de chez Swann ne contient que 8 mots. 8 mots très classiques qui ont pourtant marqué l’histoire de la littérature. Nombreux sont les spécialistes à s’être penchés sur cette phrase et, pour beaucoup, elle résume à elle seule l’ensemble de l’œuvre de Proust. L’écrivain rompt avec les codes du roman traditionnel car il ne situe pas son œuvre dans un cadre spatio-temporel précis.

Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. 
Meursault, personnage principal de L’Étranger d’Albert Camus vient de perdre sa mère. Et pourtant il semble déconnecté du monde et de la réalité, et n’éprouve aucun sentiment. Il décrit simplement les faits de façons chirurgicales, sans y prendre part. Cette phrase nous fait entrer, sans y être préparé, dans la tête de cet homme singulier et indifférent aux événements qui l’entourent.

Les familles heureuses se ressemblent toutes; les familles malheureuses sont malheureuses chacune à leur façon.
Cette phrase plante le décor du roman de Tolstoï, Anna Karénine : il ne s’agit pas d’une comédie. Ce roman raconte le destin tragique d’une femme, Anna Karénine, qui se suicide en se jetant sous un train après avoir été abandonnée par son amant, un voisin de Tolstoï. L’auteur a lui-même assisté à cette scène, et a gardé cette image en lui toute sa vie.

C’est une vérité universellement reconnue qu’un célibataire pourvu d’une belle fortune doit avoir envie de se marier. 
Orgueil et Préjugés de Jane Austen dépeint à merveille les relations amoureuses. Cette première phrase aurait pu être prononcée par Mr Bennett, père d’Elizabeth, l’héroïne du roman, celui-ci voulant à tout prix marier ses filles. Cette phrase reprend une idée commune de la société traditionnelle dans laquelle évolue l’auteur, mais l’on sent une pointe d’ironie qui semble montrer que le roman ne suivra pas cette voie toute tracée.

Ça a débuté comme ça.
Rien de plus banal que cette phrase pour commencer à raconter une histoire. Et pourtant, par cet incipit Louis-Ferdinand Céline dénote déjà. Il utilise un vulgaire « ça » plutôt que le plus soutenu « cela » et immédiatement après, préfère le verbe « débuter » à son synonyme plus familier « commencer ». Avec cette phrase, c’est tout le style de Céline qui est exposé : il semble parler comme tout le monde mais en écrivant comme personne.

La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. 
C’est ainsi que débute l’histoire d’amour impossible du roman Aurélien de Louis Aragon. On oppose souvent cette première rencontre à celle de l’Éducation sentimentale de Gustave Flaubert où Frédéric voit Mme Arnoux pour la première fois, et pour lui  » Ce fut comme une apparition…. » La rencontre d’Aurélien avec Bérénice est en quelque sorte un « anti »-coup de foudre.

Il parut alors une beauté à la cour, qui attira les yeux de tout le monde, et l’on doit croire que c’était une beauté parfaite, puisqu’elle donna de l’admiration dans un lieu où l’on était si accoutumé à voir de belles personnes.
Lorsque la princesse de Clèves paraît à la cour, elle n’a encore rien d’une princesse. Elle n’est que Mademoiselle de Chartres, accompagnée de sa mère. Et pourtant tous les regards sont déjà braqués sur elle. Cette première phrase laisse deviner que toute l’attention sera focalisée sur cette jeune fille dans l’ensemble du roman. La phrase est très classique car elle nous présente le personnage principal ainsi que le lieu où il se trouve mais soulève tout de même une part de mystère. Qui est cette beauté que tout le monde regarde ?

Lolita, lumière de ma vie, feu de mes reins. Mon péché, mon âme. Lo-li-ta : le bout de la langue fait trois petits bonds le long du palais pour venir, à trois, cogner contre les dents. Lo. Li. Ta. 
Elle était Lo le matin, Lo tout court, un mètre quarante-huit en chaussettes, debout sur un seul pied. Elle était Lola en pantalon. Elle était Dolly à l’école. Elle était Dolorès sur le pointillé des formulaires. Mais dans mes bras, c’était toujours Lolita
Cet incipit est en fait composé de plusieurs phrases. La première partie seule peut faire croire à une histoire d’amour banale et ne permet pas de comprendre la relation ambiguë qui lie le narrateur Humbert Humbert et la jeune Dolores, âgée de 12 ans dans le roman de Nabokov, Lolita. Bien que le roman ait fait scandale lors de sa sortie, il est désormais reconnu comme l’un des chefs-d’œuvre de la littérature.

Pour retrouver des conseils pour bien commencer votre manuscrit, nous vous invitons à aller sur ce lien.

Et vous, quel est l’incipit qui vous a le plus marqué ? Accordez-vous beaucoup d’importance à la première phrase d’un roman ?

Article écrit avec la participation de Louise