Posté par
AA Victoria
L’écrivain-artiste aujourd’hui
Tout écrivain peut être considéré comme artiste, si l’on se dit que l’écriture est un art. Et pourtant, les écrivains-artistes sont une catégorie à part, ils ont un monde à eux et cherchent à développer leur art autrement. Nous vous proposons de découvrir un peu plus ces écrivains si différents.
Qui se cache derrière l’appellation écrivain-artiste ?
Nous nommerons « écrivain-artiste » l’auteur dont l’objectif essentiel est la créativité et la beauté. Le poète est bien sûr le premier exemple d’écrivain-artiste. Pour la langue française, Baudelaire, Mallarmé, Valéry peuvent être cités et, plus proches de nous, André Breton, Henri Michaux, Francis Ponge ou Guillevic.
Cependant, l’écrivain-artiste aujourd’hui serait plutôt une extension du poète. Il cherche à produire une série de livres dont la cohérence durable et stimulante élabore une œuvre selon des critères de travail précis tels que la créativité, la recherche de la beauté, la diversité d’un livre à l’autre, le lien direct entre la pensée et l’objet.
Un statut ambigu
Par essence, la créativité n’est pas immédiatement recevable par un public puisqu’elle quitte le connu. De plus, l’absence de narration dramatique – l’écrivain-artiste se situant résolument dans le contemplatif, il invente rarement des personnages de fiction – ne captive pas les lecteurs. Enfin, la pensée génère souvent une complexité qui décourage. Quant à la diversité, elle désoriente.
La conséquence est l’absence de public. De sorte que l’écrivain-artiste se situe hors des circuits commerciaux, il exerce le plus souvent un « second » métier qui est en quelque sorte son mécène. L’écrivain-artiste s’efforce de ne pas être accaparé par ce second métier, et, en même temps, il ne s’y affirme jamais en tant qu’écrivain. Le risque serait la méfiance, voire la raillerie et l’éviction.
La situation ambiguë de l’écrivain-artiste – ni auteur de librairie, ni artiste officiel, ni professionnel très impliqué dans son second métier – génère une absence de reconnaissance. Son lectorat est minime et la discrétion de l’écrivain-artiste l’écarte des relations standardisées.
La recherche de la diversité est fondamentale chez l’écrivain-artiste. Chacun de ses livres est porté par un projet différent : nouvelles, contes, poèmes, essais, critiques, biographies, correspondances…
Jusqu’à récemment, à de rares exceptions près, la visibilité de l’écrivain-artiste était nulle. Il est probable d’ailleurs qu’une grande partie de son travail restait à l’état de manuscrits. Entre l’édition de librairie et le compte d’auteur, il n’y avait place qu’à des tentatives sporadiques et à la protection payante des manuscrits.
La technologie au service de l’artiste
Deux innovations techniques viennent de débloquer cette situation : le numérique et l’imprimante à l’unité. Internet permet à l’écrivain-artiste de disposer d’un site à son nom qui présente son travail. C’est une révolution car l’écrivain-artiste peut enfin affirmer la cohérence de sa démarche existentielle.
D’autre part, le web permet l’édition numérique. L’éditeur-web propose une publication gratuite aux auteurs, avec droits d’auteur. On reste hors des circuits commerciaux traditionnels mais le livre se met à exister. Surtout, il n’y a plus d’obstacles à la diversité de l’œuvre. L’écrivain-artiste peut donner totale liberté formelle à sa créativité, et de plus, rien ne l’empêche de participer à des salons, de cibler des niches thématiques, de susciter des recensions. La vente directe par Internet dépend de son dynamisme.
La seconde révolution est l’imprimante numérique qui permet le brochage des livres à l’unité. L’écrivain-artiste peut acheter autant d’exemplaires qu’il le souhaite, mais également l’œuvre écrite devient protégée et accessible par le dépôt à la Bibliothèque nationale de France.
Il ne faut pas s’étonner de ces bouleversements. Depuis l’invention de l’imprimerie, les pratiques de la lecture et de l’écriture n’ont jamais cessé d’évoluer. Confronté à de nombreux obstacles, l’écrivain-artiste gagne à prendre en compte les chances offertes par les avancées techniques. On peut même penser qu’il est pionnier dans l’utilisation artistique des nouvelles technologies.
Qu’elle serait votre définition d’écrivain-artiste ? Et vous, vous sentez-vous plutôt artiste qu’écrivain ? Que pensez-vous de ces nouvelles avancées ?
Article écrit par Eugène Michel, auteur de Enfance