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Le Parisien Val-de-Marne rencontre Frédérick Thomas pour la sortie de son 3e roman « Que meure la bête ».
Val-de-Marne : de l’armée au polar, les mille et une vies du capitaine Thomas
Retraité depuis 2015, l’ex-gendarme de Maisons-Alfort est devenu écrivain en série. Frédérick Thomas a profité du confinement pour peaufiner son nouveau roman noir : « Que meure la bête ».
Par Lucile Métout
Le 11 août 2020 à 18h34
Il suffit de suivre les premiers pas de sa traque mortelle pour comprendre que Paolo Lini est au cœur d’un scénario machiavélique. Il faut dire que l’homme qui en tire les ficelles croule sous les sources d’inspiration, lui qui a servi près de quarante ans dans les forces armées françaises.
De la criminalité qui n’a plus de secret pour lui, Frédérick Thomas tire un polar haletant : Que meure la bête. Ou le parcours fou d’un chasseur de femmes napolitain dont la traversée de l’Europe laisse une interminable traînée de sang.
« Que meure la bête » sort tout juste de presse. DR
Tout juste sorti de presse, ce roman noir écrit à Maisons-Alfort est le troisième ouvrage que publie le retraité de la Gendarmerie nationale en seulement deux ans. Il nous livre les dessous d’une fiction à glisser absolument dans la valise d’été.
Les pistes volontairement brouillées
Ne cherchez pas à reconnaître tel ou tel fait divers. Si le capitaine Thomas a « voulu raconter les choses qui ont marqué [sa] carrière », il fait surtout en sorte que rien ne soit identifiable. Ni les dates, ni les lieux. Quant aux personnages, ils portent le nom d’amis « très chers » – aussi « fous et imprévisibles » que lui peut l’être à 62 ans encore – comme autant de clins d’œil à leur passé commun.
Ainsi donc, Marion part arpenter l’Allemagne puis l’Autriche. Elle voyage en stop, comme à son habitude. Mais le joli brin de femme à la filiation peu banale ne donne plus signe de vie. Sa disparition inquiétante est-elle l’œuvre du tueur en série italien ? Il n’en faut pas plus pour que se déploie tout l’arsenal propre aux services secrets.
On y retrouve Markus, figure du second roman de Frédérick Thomas, ainsi que son groupe d’action aux méthodes qui interrogent jusque dans la sphère du renseignement. Nom de code : « Chenôve ». « La ville de mes parents », sourit le Maisonnais depuis 27 ans à propos de cette commune bourguignonne. La chasse à l’homme débute. Reste à savoir qui sera vraiment la cible.
Une carrière multiple
Décèle-t-on là quelque élément autobiographique ? « On ne peut parler que de ce qu’on connaît bien », écourte celui qui a dédié l’essentiel de sa vie à « la sauvegarde des intérêts de la France ». Dans les troupes de marine, d’abord, puis en gendarmerie, avant d’officier comme expert sécurité.
Une certitude : Frédérick Thomas a toujours aimé raconter. Il se souvient des « petites histoires » qu’il écrivait déjà chez les jésuites, encouragé par les curés alors qu’il partageait son temps entre l’internat et le domicile de sa grand-tante. « J’étais un bon élève, j’avais d’excellentes notes », ne peut qu’admettre l’écolier d’alors, qui gonflait son fonds littéraire à chaque remise de prix clôturant l’année. « C’était aussi une époque où il y avait aussi moins de télé. »
C’est donc diplômé d’un bac littéraire que Frédérick Thomas entre dans l’armée. Et pas question de lâcher le crayon ! À toute mission son rapport. Sait-on jamais… « On m’a soufflé ce proverbe à mes débuts : les paroles s’envolent, les écrits restent. »
Auteur du plan de sécurité de l’Euro 2016
Plus tard, il amènera la gendarmerie à lui confier « des postes un peu particuliers ». « J’ai profité des méthodes que je construisais pour travailler sur différents spectres de la criminalité. » Ce qui aboutit à des « guides », sur les drogues et la violence dans les rave parties, par exemple, ou encore sur le trafic de déchets toxiques.
Viennent ensuite les fascicules sur la garde à vue et la perquisition. Le désormais papa de trois enfants les conçoit comme « un support à laisser à [ses] gars ». « Après, ils en font ce qu’ils veulent ». Une philosophie qu’il entretient même après 2015, une fois l’uniforme raccroché. « Je me suis retrouvé à écrire le plan de sécurité de l’Euro 2016 de football, explique l’expert. Pour aider à la préparation du Mondial. »
Voilà qui retarde un vieux projet personnel : la narration des trente premières années de son père Jean. Cet « homme extraordinaire » au quotidien si commun. « Le livre tournait en boucle dans ma tête depuis la fin de l’adolescence, explique le fils admiratif. À notre retour de vacances, le 31 juillet 2017, je n’ai pas pu dormir de la nuit. Trente jours après, c’était fini. »
Tous les ans, un livre
Frédérick Thomas ne s’arrête pas là : cinq autres récits sommeillent en lui depuis bien longtemps. « Il me manquait des éléments que j’ai recueillis au fur et à mesure de mon existence. Tous sont commencés ! » C’est ce qui explique l’impressionnant rythme de publication : le talentueux auteur dédicace un nouveau livre à chaque printemps, depuis l’histoire familiale sortie en 2018.
Que meure la bête aurait rejoint les deux premiers en rayon dès avril, si la crise sanitaire n’avait pas sévi. « Mais ça n’a pas été du temps perdu, estime l’homme aux milles et une vies. J’ai profité du confinement pour en finaliser l’écriture. » Et pour avancer sur le prochain texte, bien entendu. Les impatients découvriront bientôt la fin de l’histoire de Jean, ce père au destin hors du commun.
« Que meure la bête » (Edilivre), 264 pages, 20 €
Du même auteur
Premier ouvrage de Frédérick Thomas, « L’histoire extraordinaire d’un homme très ordinaire » est paru en avril 2018 chez Edilivre (19,50 €). Il conte le destin de son père : « Jean ». Un rejeton moitié allemand moitié français qui fera ses armes à l’orphelinat. Jusqu’au jour où son pays d’origine entre en guerre contre son pays d’adoption…
« Dimitri, le prisonnier oublié » est un roman d’aventure publié pile un an plus tard (22,50 €, Edilivre). Il nous mène jusqu’à cet interné du Grand Nord russe qui croupit au goulag depuis bien trop longtemps. À moins qu’un commando ne décide de l’en extirper.
Critique à la fois historique et politique, cette fiction rend hommage aux Malgré-Nous : des dizaines de milliers d’Alsaciens et Mosellans incorporés de force dans la Wehrmacht, puis taxés de traîtres de part et d’autre de la frontière.