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AA Victoria
Le livre qui valait des millions
C’est un psautier américain, vieux de près de 400 ans, qui est devenu le 26 novembre dernier le livre le plus cher jamais vendu lors d’une vente aux enchères.
Sur les traces des premiers colons américains
14 millions de dollars. Ce n’est ni plus ni moins que la somme versée par le milliardaire David Rubenstein pour s’offrir cette pièce unique, soit environ 10 millions d’euros. Une dépense monumentale pour un livre intimement lié aux balbutiements de l’histoire des États-Unis.
Imprimé en 1640 à Cambridge, ville proche de Boston, le Bay Psalm Book a traversé les siècles, précieusement conservé par la Old South Church de Boston. Si l’église ne date que de 1874, le livre est bien plus ancien et recoupe étroitement l’histoire des premiers colons américains. Après l’échec de leur installation en 1584 et la perte de la colonie de Ranoeke, une nouvelle expédition est conduite en 1620. Partis de Plymouth en Angleterre le 16 septembre, le Mayflower et ses 102 passagers traversent l’Atlantique. Les pionniers fondent « La Nouvelle Plymouth » dans ce qui deviendra le Massachusetts. Parmi les colons se trouvent ceux que l’on va appeler les « Pères pèlerins » (Pilgrim fathers en anglais), des protestants séparatistes voulant se détacher de l’Église d’Angleterre et fuyant les persécutions du roi Jacques Ier. Choisis par les autres voyageurs pour édicter des règles de vie commune (Le Pacte du Mayflower ou Mayflower Compact), ces « pères » vont forger les bases de la démocratie américaine en bâtissant une communauté respectueuses des différentes croyances, proche d’un modèle de démocratie participative.
Un petit morceau d’histoire
En 1660, la restauration d’une monarchie rigoureusement anglicane pousse une part des protestants puritains à émigrer à leur tour vers la Nouvelle Angleterre.
Fortes de l’héritage du Pacte du Mayflower, les paroisses de la colonie séparatiste de Plymouth et les paroisses puritaines de la baie du Massachusetts se fondent en une seule et même Église, dite congrégationaliste. Les puritains importent d’Angleterre la première presse d’imprimerie vers 1638 et commencent à imprimer et à diffuser des ouvrages à caractère religieux. La première édition du Bay Psalm Book (consultable en ligne) est tirée à 1 700 exemplaires, dont il ne reste aujourd’hui seulement que 11 ouvrages. Si le psautier se destinait avant tout à être une traduction de la Bible, compréhensible et abordable pour les fidèles (au détriment d’un certain niveau de langage), il présente une valeur symbolique considérable. Il est associé en effet à l’élan de liberté propre aux colonies de cette époque et définit une nouvelle conception, marquant une rupture avec la religion monarchique anglaise. Selon les mots du commissaire priseur de la vente, c’est « avec lui [que] la Nouvelle Angleterre a déclaré son indépendance de l’Église d’Angleterre ».
Le philanthrope américain n’en est pas à son premier « coup » sur le marché des antiquités littéraires à forte valeur symbolique, puisqu’il s’était offert en 2007 la Magna Carta, charte anglaise datant du 13ème siècle et qui a, en son temps posé, les bases d’une forme de droit individuel, pour une somme avoisinant 21 millions d’euros.
Article écrit avec la participation de Quentin