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Flora
La censure littéraire en Turquie : le début de la fin ?
En juillet dernier, le gouvernement turc fait suspendre une loi âgée de plus de soixante ans, visant à restreindre la liberté d’expression. L’abandon de celle-ci autorise désormais la libre-circulation de 23 000 titres, dont un bon nombre d’ouvrages communistes, bannis et ensevelis depuis bien longtemps.
L’objet d’une loi plus permissive
Promulguée par le parlement turc, cette dernière spécifie que toute décision administrative de « saisie, interdiction ou obstacle à la vente et à la distribution de publications imprimées devient caduque ». Parmi les œuvres à nouveau disponibles, on compte notamment Le Manifeste du parti communiste (Marx et Engels), des livres de Lénine et de Staline, des essais sur les questions kurdes et sur les droits de l’Homme en Turquie. Temel Demirer, écrivain récemment sorti des « listes noires », estime que cette annonce ne fait que confirmer une situation peu fiable, existant depuis des années. Son homologue, Erol Ozkoray, croit peu, quant à lui, à l’émergence d’une liberté nouvelle grâce à cette règle. Pour lui, la levée de la censure officielle demeure un leurre puisqu’elle n’était plus vraiment respectée depuis quelques temps. Certains éditeurs avaient, en effet, recommencé à imprimer les oeuvres « impies » telles que les poèmes du communiste turc Nazim Hikmet par exemple.
Quels « crimes » ont donc commis les auteurs arrêtés ?
Selon un rapport publié le 30 juin 2012, l’Association des éditeurs a démontré, qu’entre 2008 et 2011, une centaine de livres ont été attaqués en justice. Trente hommes de lettres et des traducteurs, accusés de « terrorisme intellectuel », sont passés devant les tribunaux pour atteinte aux « sentiments moraux ». « Le lauréat du prix Nobel, Naipul, a été invité par une organisation à Istanbul et a été condamné pour avoir insulté l’Islam » précise Metin Celal, poète turc, selon lequel le manque de laïcité du pays induit une absence de liberté d’expression. Et les accusations semblent loin d’être terminées ! Le site internet de la Pen Turquie, l’une des branches de l’English Pen (organisation littéraire mondiale visant la liberté d’expression), faisait en effet état, en juin 2012, de la condamnation et de l’emprisonnement d’un grand pianiste et ambassadeur de la culture turc, Fazil Say, interpellé pour diffamation et offense à la religion. Pour avoir mentionné cette injuste arrestation sur leur site, le Président et le vice-président de l’association, ainsi que le secrétaire général, le trésorier ont été dénoncés.
Montée de l’intégrisme religieux, l’un des premiers responsables
La crise de la communication qui sévit en Turquie depuis une dizaine d’années ne va pas sans faire écho à la montée de l’intégrisme religieux selon de nombreuses études. En outre, le pays se situe au premier plan de l’actualité, notamment en matière de religion. La négation du génocide arménien, les menaces sur les alliés, le conflit syrien, le rôle de leader mondial dans le monde musulman sunnite, et la censure ont fait de lui un acteur incontournable du paysage géopolitique mondial. Trente ans de prohibition littéraire prennent donc fin avec la loi de Juillet mais les milieux éditoriaux ne semblent pas dupes. Car la Turquie est toujours accusée de museler la presse, notamment depuis l’arrestation de journalistes et de généraux de l’armée.
Que pensez-vous de l’avenir des lettres dans la péninsule turque ?
Article écrit avec la participation de Camille